L'apprentissage algorithmique au secours de l'information

En France comme ailleurs, les efforts pour lutter contre la désinformation via l'EMI se concentrent principalement sur la vérification des faits (le fact-checking). Mais l'efficacité de cette méthode a ses limites. Pour les dépasser, l'apprentissage des algorithmes a été identifié comme autant, si ce n'est plus, efficace.
Côté médias, on savait déjà que valoriser la fiabilité de l'info ne suffit pas à restaurer la confiance perdue dans les médias. Dans les ateliers d'Éducation aux médias, la méfiance préinstallée dans les esprits de quelques élèves ne disparaît donc pas d'un coup de baguette magique avec un atelier de fact-checking. En revanche, une autre solution vient compléter notre panoplie : l'apprentissage du fonctionnement des algorithmes. Ce dernier agit en préventif à la désinformation, plutôt qu'en curation, comme l'apprentissage des techniques de vérification des faits.
Une étude internationale publiée dans la Misinformation Review (Harvard Kennedy School) a révélé fin 2024 que pour lutter contre la désinformation, il est efficace d’aider les gens à comprendre le fonctionnement des algorithmes.
La conclusion de l'étude est simple : en comprenant mieux le fonctionnement des algorithmes et la manière dont les informations sont sélectionnées sur les médias sociaux, les internautes sont mieux équipés pour reconnaître et répondre à la désinformation qu'en agissant a posteriori en vérifiant une information ou une image :
- Ils voient mieux les pièges potentiels d'une alimentation de leurs flux par les algorithmes et reconnaissent que ces derniers amplifient la désinformation.
- Ils agissent eux-mêmes pour limiter ce risque (en laissant des commentaires sur les incohérences d'une publication, en partageant des opinions contradictoires ou même en signalant ce contenu au média social).
A contrario, les personnes qui ne comprennent pas comment les algorithmes personnalisent les informations négligent les risques d’être piégées dans les bulles de filtres qui les confortent dans leurs préjugés. Plus enclines à croire le contenu sur les médias sociaux, elles sont aussi plus susceptibles de le diffuser.
Ateliers pour initier à la pensée algorithmique sans écran
Pour cela, on peut commencer dès le plus jeune âge, ce que j'encourage pour que les futurs citoyens numériques comprennent bien que derrière une IA... il y a des hommes qui codent des algorithmes et que non, ces "intelligences" ne sont pas "intelligentes". Et ce, malgré les apparences.
Concrètement, j'ai commencé à proposer dans les écoles primaires et les médiathèques des ateliers de Code en Bois. Et force est de constater que, de 7 à 11 ans, les enfants adorent ! La consigne est la suivante : ils doivent donner des instructions au robot Swift pour qu'il trouve un trésor, tout en échappant aux bugs. Le tout, représenté sous forme de Lego. Après une brève introduction de définition et de mise en contexte ("se laver les mains, c'est un algorithme" 😄 ), les équipes présentent leurs solutions (il peut y avoir plusieurs bonnes solutions). Ce que j'apprécie particulièrement, c'est que ce ne sont pas forcément les premiers de la classe qui seront ici les meilleurs. Je complète parfois avec une video de Kat'IA, réalisée par une équipe de chercheurs au Québec, et par une vidéo humoristique que seuls les codeurs peuvent comprendre.
Pour les plus jeunes, dès 3 ans, on peut aussi télécharger des activités à couper et à coller sur le site de Colori, que j'ai découvert lors du webinaire "L'IA et nos enfants, quel futur ensemble ?" organisé par Internet Sans Crainte. Lors d'un atelier que j'ai donné à destination des profs-docs, on m'a aussi partagé d'autres ressources comme BeeBot, Thymio et Ozobot, que je n'ai pas encore testés. Sans compter le classique (mais plus onéreux) : Cubetto.
Je rappelle enfin le travail du CLEMI sur l'algorithme de Youtube à destination des élèves en 3è cycle. Une courte video est accompagnée d'une analyse guidée (à télécharger). Si vous les utilisez, je serais curieuse d'avoir vos retours !
Pour le collège, on passe aux écrans, et l'outil le plus connu pour apprendre à coder est Scratch. Il a aussi l'avantage de faire l'objet de manuels que l'on peut retrouver en bibliothèque.